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UNEX Sign No. 2 (selections from "The Survival Series"), Jenny Holzer

 

Jenny  Holzer, UNEX Sign No. 2
Jenny Holzer, UNEX Sign No. 2 (selections from "The Survival Series"), 1984, Musée des beaux-arts du Canada. Photo © 1992, MBAC.

 

Unex Sign No. 2 (selections from "The Survival Series") de l’artiste américaine Jenny Holzer a été choisie comme étude de cas, parce que l’œuvre faisait usage d’une enseigne électronique visible au spectateur, donc de la mise en vue d’un équipement technologique historiquement marqué. Celle-ci était, au moment d’entreprendre l’étude, dans un état de dégradation rendant sa mise en exposition impossible.

 

L’œuvre, réalisée entre 1983 et 1984 et acquise par le Musée des beaux-arts du Canada en 1985, se compose d’une enseigne électronique qui diffuse une série de courtes phrases issues du travail textuel de l’artiste (The Survival Series), parfois traduites de l’anglais au français, parfois accompagnées d’une image. Le système d’affichage de cette enseigne est peu commun : un mécanisme électromécanique balaie la largeur de l’écran et, à son passage, déplace des disques électromagnétiques qui permettent ou non le passage de la lumière à travers des pastilles colorées. Chaque pastille constitue un « point » composant l’image.

 

Premier problème : l’instabilité de la technologie dans un contexte muséal

Le système d’affichage de l’œuvre n’était pas conçu pour les conditions d’exposition muséale (fonctionnement en continu plusieurs heures par jour, presque tous les jours) : peu de temps après l’acquisition, la lisibilité des messages a été atteinte par l’usure du mécanisme d’affichage. Les solutions de réparation ou de remplacement de certaines pièces ont été analysées et rejetées : la maintenance de l’équipement ne résolvait pas la question de l’instabilité de l’équipement et le changement de certaines composantes pour des éléments plus modernes supposait, à l’époque, des frais trop élevés pour le musée.

 

Deuxième problème : l’illisibilité du programme et le manque de documentation

Au cours de la recherche, l’équipe a eu la désagréable surprise de constater que le support du programme – depuis 1991, le programme était inscrit sur une disquette – était illisible. De plus, aucune documentation précise du programme n’était disponible.

 

En faisant appel à un technicien expert (Matthew Biederman), le contenu du programme a pu être, en partie, affiché sur l’enseigne, ce qui a permis la documentation des modalités d’affichage (temps de balayage, durée d’affichage, séquence des messages, etc.). En s’appuyant sur une recherche documentaire, le contenu du programme et son déroulement ont pu être en majeure partie reconstitués sur papier.

 

Jenny Holzer, UNEX Sign No. 2
Jenny Holzer, UNEX Sign No. 2 (selections from "The Survival Series"), 1984, Musée des beaux-arts du Canada. Mise en opération partielle de l'enseigne, Laboratoire de restauration MBAC. Photo © 2006, DOCAM.

 

La méthode de restauration a été choisie de concert avec l’artiste; l’œuvre allait faire l’objet d’une émulation [1]. Dans ce processus, l’entrevue avec l’artiste devient essentielle; ainsi, le restaurateur a défini avec Jenny Holzer ce qui participait de l’intégrité de l’œuvre. C’est le caractère publicitaire de l’enseigne et le contenu des messages qui a été défini par l’artiste comme étant conceptuellement important. Une enseigne contemporaine remplacera celle d’origine et le programme sera entièrement reconstruit par l’artiste qui se basera sur ses archives et sur les recherches de DOCAM pour assurer un maintien aussi fidèle que possible du programme d’origine.

 

Problèmes déontologiques

L’authenticité et l’intégrité

L’œuvre restaurée ne faisant plus usage d’aucun matériau original de l’œuvre, l’authenticité de l’œuvre et son inscription historique sont profondément atteintes. Par contre, la perte d’authenticité est modérée par le maintien de son intégrité : l’œuvre restaurée conserve certains éléments de l’apparence volumétrique et plastique de l’enseigne d’origine; surtout, elle reproduit les modalités d’affichage des messages. Ainsi, il existe une certaine cohérence physique, historique et de contenu entre la version originale et celle restaurée.

 

L’inscription historique

Durant le processus de restauration, la révision du contenu des textes (possibilité d’addition du message de la série Survival et révision des traductions) a été discutée avec le MBAC. Même si la traduction originelle sera légèrement modifiée, le contenu textuel restera essentiellement le même. Selon Richard Gagnier, restaurateur chargé de l’étude de cas, il est presque inévitable qu’un artiste veuille revoir son œuvre après quelques années et sa volonté doit être respectée. Par contre, la position professionnelle du restaurateur lui fait privilégier un maintien intégral du contenu du texte et de sa traduction parce qu’il est historiquement daté, c’est-à-dire qu’il reflète un moment précis dans le développement de la pensée artistique de l’artiste.

 


[1] Émuler une œuvre consiste à tenter d’en imiter l’apparence d’origine par des moyens tout à fait différents. Alain Depocas, Jon Ippolito et Caitlin Jones, « Glossaire des médias variables », 2003, https://www.variablemedia.net/pdf/Glossaire_FRA.pdf.