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2.4 Les équipements non technologiques

 

Nombre d’œuvres à contenu technologique se présentent sous la forme d’installation ou d’une composition d’éléments, en général sculpturaux, qui concourent à donner forme à leur manifestation, à l’activer pour reprendre les mots de Nelson Goodman.  Pensons par exemple aux éléments de la partie sculpturale de Royal Canadian Mounted Police de Nam June Paik, assemblage de boîtiers de radios et de téléviseurs recyclés qui permettent de dissimuler les différents téléviseurs et intègrent un cheval sculpté en bois de culture chinoise; ou encore à l’écran très physique composé de papillons morpho épinglés sur la surface du panneau de l’œuvre Tlön de Christine Davis qui constitue la surface sur laquelle les différentes projections de diapositives interfèrent.  D’autres conditions à la manifestation correcte de l’œuvre (Genette) sont liées à des caractéristiques de l’espace ou du lieu.  Elles ont autant à voir avec les caractéristiques spatiales, architecturales que lumineuses, voire avec le parcours à assurer vers et dans le lieu de l’œuvre pour en assurer la pleine expérience.  Ces dernières caractéristiques seront l’objet d’une documentation minutieuse et protéiforme (descriptive écrite, schématique dessinée, photographique, vidéographique, collecte d’échantillons de toutes sortes, etc.) afin d’assurer la pérennité de l’œuvre.

 

Il reste que des matériaux physiques sont très souvent mis en représentation.  À cela s’ajoute la possibilité que certains de ces éléments soient plutôt construits de toutes pièces à chaque itération de l’œuvre, parce que plus architectoniques ou de dimensions trop importantes pour la mise en réserve par exemple, ce qui souligne l’importance de la documentation adéquate dans le domaine de l’art contemporain.  Mais certains de ces éléments acquièrent un statut d’unicité.  L’œuvre de Paik en est un bel exemple.  Certains de ces éléments sont de facture industrielle tels les différents boîtiers de radio et de télévision; alors que le cheval sculpté, bien qu’il participe d’un mode de production répétant un certain modèle de référence, n’en est pas moins artisanal.  Tous ces composants sont datés et portent les traces de l’usure, de leur usage, ce qui amplifie leur caractère unique. Pour ces composants, l’approche de préservation est celle de la restauration traditionnelle, c’est-à-dire de maintenir les conditions originelles autant que possible.  Cette approche se déploie tant sur le plan préventif en produisant les mesures propres au maintien de leur condition (environnement, protection par l’emballage, technique de manutention), que pour les interventions curatives qui cherchent à restituer les conditions d’origine advenant un bris, la dégradation physico-chimique du matériau ou les changements d’apparence de surface.  Fondée sur la nature du matériau et ses techniques, elle a l’avantage de disposer d’une documentation très abondante concernant les techniques spécifiques de préservation et de conservation.  Pour certains matériaux, cette documentation se retrouve dans des champs d’investigation en dehors de celle de l’art, et peut concerner les collections de type ethnologique, d’histoire naturelle ou d’archéologie.  Les papillons morpho qui composent l’écran de l’oeuvre de Christine Davis sont un autre exemple d’un composant dont les techniques de préservation sont documentées dans le champ de l’histoire naturelle.

 

Pour ce dernier cas, la possibilité de remplacer les items jugés trop abîmés ou dégradés s’avère un moyen de préservation à intégrer où le protocole de remplacement inclut la documentation de la manutention de ces objets fragiles, leur montage, de même que leur source d’approvisionnement.  Il en est de même pour nombre de composants dont la facture industrielle et la stabilité du matériau permettent cette possibilité de remplacement et leur accumulation en réserve, conséquence de leur stabilité matérielle.  On le voit, il est possible de penser des positions différenciées au sein d’une même œuvre composée d’éléments spécifiques et de statut différent en considérant le matériau et le mode de production.  Cependant, force est d’admettre que toute oeuvre est historiquement localisée et en principe produite en un temps déterminé.  Son maintien et sa préservation impliquent nécessairement que certains matériaux ne vieilliront pas au même rythme que d’autres, plus stables, que certains d’entre eux pourront être remplacés, alors que d’autres, jugés uniques, porteront les traces sans doute plus marquées du temps réel de l’oeuvre.  Sur le plan esthétique, il faut aussi considérer l’œuvre dans sa totalité et sans doute privilégier une attitude de conservation traditionnelle pour l’ensemble de ses composants, incluant ceux dont la modalité de remplacement concourt à la pérennité mieux assurée de ces composants.